Le merveilleux goût des calories

9 janvier 2011 2 commentaires Par Ghislaine

J’adore le saucisson. C’en était presque problématique, jusqu’à ce que j’arrête d’en acheter. Brice de son côté a un faible pour les bonbons. Même chose, nous avons arrêté d’en acheter, plus de bonbons chez nous. Ça ne veut pas dire que nous n’en mangeons plus jamais… Mais ça nous a permis de fortement réduire notre consommation.

Hier, nous sommes allés manger une délicieuse assiette de charcuterie, accompagnée d’un bon verre de vin et d’une écrasée de pomme de terre à l’huile d’olive. C’était un régal. Autant le souvenir d’une très bonne salade me laisse relativement sereine, autant le simple souvenir de ce qui a un profil nutritionnel salé et gras me fait saliver instantanément. Pourquoi ?

Quand les tripes prennent le contrôle

Cet article de Wired m’a éclairé sur la réponse : ce sont mes tripes qui parlent. En plus d’être « programmés » pour préférer les aliments riches en calories (nous avons tous à la naissance un goût inné pour le sucré et pour le gras1), notre estomac et nos intestins ont la capacité de détecter leur présence dans nos aliments et à ressentir du plaisir… Nous poussant à reprendre une petite tranche de saucisson ou à plonger la main dans le paquet de Haribo…. Alors même que nos papilles sont saturées en gras, en sel ou en sucre !

Une étude parue dans le journal Neuron en 20082 montre que la préférence pour le sucré chez les souris n’est pas liée au goût : la lignée de souris, incapable de sentir le goût sucré, développait néanmoins une préférence pour l’eau sucrée. En revanche, elle restait de marbre face à de l’eau sucrée avec un édulcorant pauvre en calorie…

De là à dire que nos intestins parlent pour nous, encore faut-il le prouver. Pour certains chercheurs3, c’est l’estomac qui reconnait le sucre et avertit directement notre système limbique (celui qui gère le codage des récompenses) via les centres dopaminergiques. D’autres études montreraient le lien entre l’intestin et cette partie du cerveau qui dirige nos pulsions les plus gourmandes. Les recherches sont relativement récentes et ouvrent des perspectives intéressantes pour la prise en charge des personnes en surpoids, voire des malades atteints de boulimie.

Le régime, un combat contre nous même

Le rapport récent de l’ANSES a montré combien les régimes étaient inutiles, voire dangereux, pour notre santé. Pas tant parce qu’ils manquent de fondement scientifique (l’émission Thé ou Café avec le Dr Dukan expliquant l’élaboration de sa méthode à partir d’un patient ne voulant manger que de la viande m’a fait beaucoup rire), mais surtout parce qu’ils luttent contre tout notre organisme.

Une autre étude4 montre que la prise d’un repas pauvre en calorie nous pousse naturellement à compenser avec un repas suivant plus riche en calories. Ainsi, en plus de nos inclinaisons d’Homo sapiens qui nous poussent à préférer le sucré ou le gras, de notre estomac qui milite pour le sucré, de nos intestins qui disent en cachette à notre cerveau de reprendre de cette part de tarte, notre organisme possède également une mémoire des calories qui va équilibrer nos apports caloriques d’un repas à l’autre, voire d’une journée à l’autre !

Les politiques de changement de comportement peuvent-elles réussir ?

Résumer le problème aux apports caloriques du repas est donc une erreur : toute stratégie de perte de poids basée uniquement sur ce paramètre est vouée à l’échec. Le remplissage du caddie, notre rapport à la nourriture, les goûts personnels, notre culture familiale alimentaire, l’activité physique, notre rapport intime à la nourriture sont donc autant de facteurs qui rentrent dans l’équation du poids de forme.

Le Programme EPODE, une initiative intéressante menée depuis 2004 dans de nombreuses villes en France, a pour objectif de réduire l’obésité chez les enfants. Il est constitué de campagnes de sensibilisation auprès des parents et des enfants, de programmes d’activité physique, d’ateliers cuisine…

Les résultats sont toutefois assez faibles : au bout de 6 ans, le taux de surpoids chez les enfants dans les villes concernées est passé de 20,5 à 18,8%. Et le hic, c’est que ce taux est passé de 14,4% à 12,1% de 2000 à 2006 et ce, sans être soumis à un programme en particulier, selon un rapport de la Direction recherche, études, évaluation statistiques (DREES). Selon cette dernière, l’amélioration du tour de tailles des enfants seraient à mettre au compte du Programme National Nutrition Santé.

Dans tous les cas, l’évolution positive de cette tendance est plutôt encourageante, car elle montre que si nos tripes agissent sur notre comportement alimentaire, notre esprit aussi. Aviez-vous remarqué d’ailleurs que tripes et esprit sont des anagrammes 😉 ?

1La formation précoce du goût chez l’enfant, Natalie Rigal, 46èmes JAND

2Food reward in the absence of taste receptor signaling. Araujo IE et al. Neuron. 2008 ;57(6):930-41. Erratum in: Neuron. 2008 Apr 24;58(2):295. PubMed PMID: 18367093

3Nutrient selection in the absence of taste receptor signaling. Ren X et al. J Neurosci. 2010;30(23):8012-23. PubMed PMID: 20534849

4Some evidence for short-term caloric compensation in normal weight human subjects: the effects of high- and low-energy meals on hunger, food preference and food intake. Hill AJ et al. Hum Nutr Appl Nutr. 1987;41(4):244-57. PubMed PMID: 3667342

 

Un Commentaire

  1. Brice dit :
    Le 9 janvier 2011 - 18:54

    Et ce sont aussi des anagrammes du mot « pitres », ce qui n’est pas surprenant car les bêtises les amusent beaucoup l’un et l’autre, même si ce ne sont pas les mêmes ! 😉

    Une calorie étant l’énergie nécessaire pour faire augmenter la température d’un litre d’eau d’un degré Celsius, je réalise en te lisant que nous aimons bien ce qui nous donne de l’énergie. Mais moins ce qui nous en coûte…

    Heureusement, il existe un autre système de récompense lié à la réussite d’un effort physique ou intellectuel, bien connu des coureurs de marathon comme des adeptes de mots croisés. Mais il est plus long à atteindre et demande un effort initial plus important.

    L’éducation atteint donc sans doute un objectif important, au-delà du savoir qu’elle transmet, quand elle équilibre dans la forme les activités à récompenses immédiates avec celles demandant plus d’effort. Elle nous prépare ainsi à mieux équilibrer nous-mêmes, tout au long de notre vie, ces deux mécanismes de récompense.

    Nourriture pour la réflexion… 😉

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Un Trackback

  1. Par Sexe, Drogue & Nutrition | Le monde de dedans le 30 avril 2011 à 20:21

    […] évoqué dans « Le merveilleux goût des calories » le rôle de notre système nerveux intestinal sur nos préférences alimentaires. […]

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