Le monde de dedans

30 avril 2011 4 commentaires Par Ghislaine

Nous cachons tous, au plus profond de nous-même, un monde extraordinaire, inconnu, qui nous aide à faire face aux agressions, qui nous permet de mieux assimiler ce qui nous vient de l’extérieur, qui nous rend plus fort. Ce monde, c’est la flore intestinale. MetaHIT, projet européen de recherche coordonné par l’INRA, est chargé d’en découvrir tous les secrets…

MetaHIT, où l’exploration interieure

Le projet MetaHIT a publié une étude¹, il y a quelques semaines, dans le prestigieux journal Nature.

Les chercheurs, après avoir analysé la flore intestinale (appelée aussi Microbiote) de différents groupes de personnes, ont découvert qu’à l’instar des groupes sanguins, les êtres humains ont trois types de profils, appelés « entérotypes »² :

  • Le premier groupe, qui présente plus de bactéries de la famille Bacteroides, suggère un profil plus adapté au métabolisme des graisses (il exprime davantage les enzymes intervenant dans la production de vitamine B7).
  • Le deuxième, nommé Prevotella, suggère un lien avec le système nerveux et le métabolisme des glucides (il exprime particulièrement les intermédiaires de synthèse de la vitamine B1).
  • Le dernier, Ruminococcus, suggère un lien avec le métabolisme du fer.

Si l’étude montre bien l’existence de ces trois profils, la petite taille des groupes ne permet pas de tirer des conclusions claires… Mais suggère de tels liens qu’il nous tarde d’en savoir plus sur le microbiote !

La première étude³, parue elle aussi dans Nature en 2010, avait décrypté l’ensemble du génome du microbiote, constitué de plus de 100 milliards de cellules (notre corps en possède 10 fois moins). Que va-t-on découvrir en 2012 ?

Le microbiote, au coeur de notre santé

Le microbiote est l’ensemble des micro-organismes (bactéries, levures, champignons) présent dans notre système digestif de la bouche à l’anus. Nous ne naissons pas avec : il se forme dans les premiers moments de notre vie extra-utérine. Constitué d’abord principalement de la flore vaginale de notre maman, il évolue en fonction de ce que nous mangeons mais aussi en fonction des équilibres qui se forment entre les différentes familles de bactéries.

La diarrhée, la constipation, les flatulences sont des manifestations du déséquilibre du microbiote. C’est paradoxalement grâce à elles que les chercheurs s’y sont intéressés. La maladie de Crohn, la colite ulcérative, le syndrome de l’intestin irritable⁴… sont liées à la présence d’un certain type de bactéries ou, au contraire, à l’absence de certaines. Par exemples, dans la maladie de Crohn, les familles de bactéries appelées Firmicutes et Bacteroidetes sont moins présentes.

J’avais évoqué dans « Le merveilleux goût des calories » le rôle de notre système nerveux intestinal sur nos préférences alimentaires. Selon certains chercheurs, il y aurait même un continuum entre le microbiote, le corps et l’esprit ⁵ !

Les champs ouverts par toutes ces recherches sont porteurs de beaucoup d’espoirs : l’obésité, le diabète, les troubles de l’humeur, l’autisme… S’il y a des liens entre ces maladies et certains types de bactéries, on pourrait penser qu’il suffit de modifier la composition du microbiote pour guérir !

Vive l’Europe !

Je suis l’aventure MetaHIT depuis ses débuts, en 2008. Le projet arrivera à terme en 2012, et déjà deux publications dans Nature, une dans Bioinformatics, une dans PLoS One, et un livre (Metagenomics of the Human Body).

Cette étude me passionne à plusieurs titres : tout d’abord, parce que les liens entre microbiote et santé sont de plus en plus évidents et ouvrent des perspectives de traitements prometteuses pour de nombreuses maladies peu comprises… Voire même le développement d’aliments fonctionnels qui permettront de prévenir ces maladies.

Ensuite, parce qu’il ouvre un nouveau champ médical, hors de l’humain : la médecine s’est intéressée à l’anatomie, la physiologie, la génétique… Et l’homme était au centre de tout cela. Dans le cas du microbiote, l’humain n’est que l’hôte de ce nouveau monde.

Enfin, parce qu’elle met en avant l’excellence de l’Europe dans ce champ de recherche. A l’heure où les nationalismes s’exaspèrent, toutes les initiatives qui peuvent faire rêver grâce à des alliances internationales me semblent importantes à souligner.

Sans parler du fait qu’ils ont un site internet, une page Facebook, une chaîne sur Youtube, un compte Netvibes et un compte Twitter, on ne pourra pas dire qu’on ne savait pas ! 😉

_______

¹Arumugam et al., Enterotypes of the human gut microbiome, Nature, 2011

² Cette nouvelle a fait l’objet d’une importante couverture média, dont notamment le TimesEl PaisLe Monde

³ A human gut microbial gene catalogue established by metagenomic sequencing, Qin et al., Nature, 2010

⁴ Abraham and Cho, Inflammatory Bowel Disease, N Engl J Med, 2009

⁵ The mind-body-microbial continuum, Gonzalez et al., Dialogues in Clinical Neuroscience, 2011

 

2 Commentaires

  1. Brice dit :
    Le 2 mai 2011 - 23:16

    Intéressant de se dire qu’en plus de l’écosystème extérieur, l’homme doit aussi apprendre à vivre en harmonie avec tout un écosystème intérieur…

    D’ailleurs, ne devrait-on pas d’un point de vue purement scientifique parler plutôt de « faune intestinale » ? Car il s’agit bien de formes de vie animales, n’est-ce pas ?

    Enfin je viens d’apprendre en te lisant d’où vient cette faune et je réalise soudain la profondeur du lien entre sexe, santé et nutrition… Bien vu ! 😉

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  2. Michele dit :
    Le 7 juin 2011 - 18:27

    Le premier être(organisme) vivant , d après nos connaissances actuelles, était un tube digestif vermiforme!! Pas étonnant que nous soyons encore aussi dépendants de ce système.. Et notre cerveau a encore tellement de progrès à faire pour comprendre comment nous fonctionnons.. Les tempêtes dans l univers, pour l infiniment grand, et les interactions des bactéries pour l infiniment petit…
    Trés intéressant, cet article!
    Merci Ghislaine!!

    Répondre

2 Trackbacks

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