Touche pas à ma tartine

27 novembre 2012 Un commentaire Par Justine

L’amendement Nutella : c’est ainsi qu’a été baptisée la proposition de la Commission des Affaires sociales d’augmenter de 300% la taxe sur l’huile de palme, proposition acceptée par le Sénat le 14 novembre dernier et finalement abandonnée. Cet amendement figurait dans le projet de loi de financement 2013 de la Sécurité sociale et aurait pu rapporter jusqu’à 40 millions d’euros à l’Etat, les Français consommant environ 126 000 tonnes d’huile de palme à usage alimentaire par an, soit 2 kg par habitant. Jusqu’à présent, les taxes s’élevaient à 98,74 euros la tonne d’huile de palme et 107,8 euros la tonne d’huile de coprah et de palmiste ; elles auraient donc été multipliées par 4.

La politique des taxes doit faire ses preuves

Après la bière et les boissons énergisantes, c’est une autre catégorie de produits qui se voit soumise à la dure loi de la taxe. Premier débat : la pertinence de cette politique. L’une des questions étant : ne pénalise-t-elle pas surtout les ménages à faible revenus, contribuant à augmenter la part de l’alimentation dans leurs dépenses globales ? Est-ce que le but affiché de ces taxes, envoyer un message à destination des fabricants, est-il atteint ? Il est certainement un peu tôt pour apporter des réponses arrêtées à ces questions. A noter toutefois : le Danemark, qui avait instauré il y a un an une taxe sur l’ensemble des produits contenant plus de 2,3% de graisses saturées, vient de l’abroger, déclarant cette mesure « coûteuse et inefficace ».

L’huile de palme en questions

Deuxième niveau d’interrogation : le projet d’amendement a mis en évidence certains enjeux difficiles, voire impossible à concilier, concernant l’huile de palme :

On lui reproche de contribuer à la déforestation et la mise en danger de certaines espèces animales ?
La Malaisie s’insurge et s’inquiète pour les petits producteurs qui vivent de sa culture.

On attend de Ferrero, fabricant du Nutella qui en contient, qu’il modifie sa recette ?
De par ses caractéristiques technologiques spécifiques, le groupe avance que l’huile de palme est irremplaçable sous peine de modifier goût et/ou texture. Le consommateur en serait-il partisan, rien n’est moins sûr…

On condamne l’huile de palme pour sa richesse en acides gras saturés (50% environ) ?
Les industriels protestent : elle n’est pas hydrogénée au cours du process de fabrication et n’apporte donc pas d’acides gras trans, réputés les plus dangereux. En outre, sa contribution aux apports en graisses saturées serait négligeable par rapport à d’autres sources alimentaires (viande, beurre, fromage). Les intérêts divergent sur la question…

Alors, face à la complexité de ces enjeux, que faire ? L’immobilisme n’est certainement pas une solution. Développer des études visant à clarifier les effets de l’huile de palme sur la santé, poursuivre les recherches sur d’autres huiles végétales susceptibles de la remplacer et les efforts menées pour réduire les quantités d’huile de palme dans les produits, dans les limites du technologiquement possible, favoriser d’autres voies de valorisation, limiter l’expansion de la production et la déforestation concomitante :  les pistes de travail ne manquent pas !

Le Nutella : un bouc émissaire ?

Au milieu de tout ça, le consommateur se retrouve une nouvelle fois un peu perdu, d’autant plus que dans le cas présent, le débat s’est cristallisée autour d’un produit très populaire, l’amendement allant jusqu’à lui emprunter son nom : le Nutella. La célèbre pâte à tartiner du groupe italien Ferrero contient, certes, une quantité non négligeable de l’huile incriminée (17%) mais de nombreux autres produits industriels (margarines, biscuits sucrés/salés, soupes en sachet, purées, pains de mie, plats préparés) sont également concernés.

La difficulté à les identifier, en particulier pour le consommateur, réside dans la variété des appellations : certains produits ne mentionnent pas explicitement la présence d’huile de palme dans leur composition. La législation autorise en effet la simple appellation « huile végétale » pour la désigner. D’autres produits contiennent des dérivés d’huile de palme, avec lesquels il est souvent difficile d’établir le lien. Nous sommes donc très susceptibles d’ingérer de l’huile de palme dans notre alimentation, sans nécessairement s’en rendre compte, malgré la mise en valeur récurrente de produits « sans huile de palme ».

Halte à la diabolisation !

Alors pourquoi un tel acharnement sur notre pâte à tartiner préférée ? Diaboliser ainsi un aliment n’est certainement pas bénéfique. Les répercussions de la taxe sur le prix seraient en réalité très limitées : une hausse de 30 centimes sur le pot de 5 kg, dont le prix avoisine aujourd’hui les 37 euros. Mais en associant un produit à l’idée de taxe, on ne fait que renforcer la culpabilité du citoyen lambda à le consommer. Or, dans le cas de l’huile de palme, les petites quantités ingérées insidieusement au quotidien via les produits industriels cités précédemment semblent plus néfastes.

Pour moi, manger du Nutella, c’est un peu comme aller au McDo : je sais que c’est gras et qu’il ne faut pas que j’en abuse. Le reste réside dans ma capacité à me donner des limites. On en revient à la fameuse idée d’équilibre, associée à celle de plaisir. On pourrait répondre à cela que les cibles principales du Nutella sont les enfants, pas forcément aptes à réguler leur consommation. Mais dans mon souvenir, mes parents avaient tout de même la mainmise sur le budget alimentaire et savaient mettre le holà quand le pot se vidait un peu trop vite. J’ai donc appris assez tôt à ne pas en abuser, ne serait-ce que pour en garder pour plus tard !

Je ne suis pas non plus en train de dire que Ferrero est une entreprise parfaite. Le groupe œuvre à l’amélioration nutritionnelle de ses produits mais on ne peut pas dire qu’il ait toujours été « clean », notamment au niveau de sa publicité. Mais le point que je souhaitais mettre en évidence est ailleurs : le fait que cette mesure se focalise sur un produit ne me semble pas être une bonne chose.

J’ai tout de même été étonnée d’apprendre que la France était la championne du monde en consommation de Nutella : 75 000 tonnes par an, soit 26 % de la production mondiale ! Alors les amis… êtes-vous raisonnable avec le Nutella  😉 ?

Quelques articles à lire pour aller plus loin :

 

Un Trackback

  1. […] Nous sommes donc très susceptibles d'ingérer de l'huile de palme dans notre alimentation, sans nécessairement s'en rendre compte, malgré la mise en valeur récurrente de produits « sans huile de palme ».  […]

Soumettre un commentaire

Votre email n'est jamaispublié ou partagé. Les champs requis sont marqués *