Mesurer le bien-être

6 novembre 2011 10 commentaires Par Ghislaine

« Ce qu’on mesure influence ce que l’on fait ». C’est par ces mots que les membres du Barilla Center for Food and Nutrition (BCFN) introduisent leur index de mesure du bien-être et de sa durabilité, lancé le 17 octobre 2011 à Paris.

Mesurer ce qu’on veut atteindre

Effectivement, au temps des rois de France, on mesurait le pouvoir en surface de sol et en régions soumises à la couronne, en nombre d’homme, et on faisait la guerre pour gagner des terres. L’ère moderne utilise le PIB, indicateur du développement économique d’un pays et qui sous-tend le progrès, et on fait des guerres économiques, à coup d’embargo et d’ouverture de marché.

Néanmoins, la limite de ces indicateurs est qu’ils ne rendent pas forcément compte du bonheur ou du bien-être des populations : nous vivons dans un des pays les plus riches du monde et pourtant, nous sommes un des pays les plus pessimistes¹.

Le Bouthan, pays qui me fascine depuis de nombreuses années, a mis en place en 1972 le « bonheur national brut » comme indicateur du niveau de vie de ses habitants. Cet indice repose sur 4 principes fondamentaux :

  • croissance et développement économiques ;
  • conservation et promotion de la culture ;
  • sauvegarde de l’environnement et utilisation durable des ressources ;
  • bonne gouvernance responsable.

Cet indicateur sert à établir les politiques de développement économiques et sociaux du pays.

L’OCDE a lancé, le 24 mai 2011, l’indice du Bonheur Intérieur Brut (BIB)². Basé sur onze critères (les revenus, le logement, l’emploi, la santé, la sécurité, la vie en communauté, la gouvernance, l’éducation, l’environnement, le sentiment de satisfaction personnelle, l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie de famille).

L’initiative du BCFN est intéressante car elle intègre dans son calcul des éléments relatifs à l’alimentation, la nutrition et aux modes de vie pour la mesure de son indiex de bien-être, et également celle de la durabilité du bien-être à travers l’index de durabilité.

De quoi est constitué le bien-être ?

Le BCFN index est constitué de 27 indicateurs pour la mesure du bien-être et de 26 indicateurs pour la mesure de la durabilité. Ces indicateurs portent :

  • Sur le mode de vie : le bien-être psycho-physique et comportemental (santé) et le bien-être subjectif (perception de l’individu par rapport à sa vie)
  • Sur la richesse et l’environnement : le bien-être matériel (revenus, investissements et patrimoine) et le bien-être environnemental (qualité de l’environnement)
  • Sur les aspects sociaux et interpersonnels : le bien-être éducatif (éducation et culture), le bien-être social (sécurité sociale, famille, société et institutions), et le bien-être politique (démocratie et liberté individuelle).

Pour le détail et la comparaison entre ce qui fait le bien-être en pratique et ce qui le fait durer, j’ai fait un petit tableau en fin de billet. Ce qui frappe dans cette mesure, c’est d’abord l’effort de rationalisation du bien-être sur des critères mesurables et transversaux aux différentes cultures.

Les résultats du BCFN

Pour la première mesure de cet index, 10 pays ont été choisis : 3 pays de l’Europe méditerranéenne (Italie, Espagne et Grèce), 2 pays de l’Europe continentale (France et Allemagne), 2 pays scandinaves (Danemark et Suède), le Royaume-Uni, les Etats-Unis et le Japon. On peut espérer que des pays d’Afrique ou d’Amérique du Sud seront inclus pour la prochaine mesure…

Les résultats sont les suivants:

Je ne m’étendrais pas plus sur ces résultats, mais le contexte international actuel donne un éclairage intéressant à cet indicateur. Si ça vous intéreesse d’aller plus loin, je vous invite à aller consulter le site du BCFN pour plus d’information…

Le bien-être et mon bonheur

Je n’ai trouvé nul par ailleurs une description aussi précise du bien-être et cela me donne matière à réflexion sur les critères que j’utilise moi-même pour savoir si je suis, ou non, heureuse et épanouie… Et peut-être aussi pour élaborer une grille de lecture intéressante pour les programmes politiques à venir, pour choisir celui pour qui je vais voter l’année prochaine 🙂

Si je rapproche la démarche du BCFN de la pyramide de Maslow, je vois que la plupart des besoins sont pris en compte dans le calcul de l’index.

Néanmoins, à aucun moment dans le rapport du BCFN, l’aspect sexuel de la vie n’est abordé. Or si la démarche est étendue à d’autre pays comme la Chine ou l’Inde, le ratio entre le nombre de femme et le nombre d’homme pourrait être un indicateur à prendre en compte, ainsi que l’âge de la première relation sexuelle, le taux de personnes vivant en couple, le taux de séparation, le nombre de personnes âgées vivant seules…

Il faudrait également évaluer la perception de l’individu sur la qualité de sa vie sexuelle : si la fréquence des rapports ne me paraît pas tellement pertinent, en revanche le regard que l’on porte sur sa propre santé sexuelle me parait aussi importante que le temps passé à table (et ce dernier point m’est aussi très cher :)).

Annexe :

Pour chaque thématique, le détails des indicateurs et la comparaison entre les deux index donnent une vision intéressante de ce qui fait en pratique le bien-être et de ce qui le fait durer :

Index de bien-être Index de durabilité
Bien-être psycho-physique et comportemental
Espérence de vie en bonne santé Variation du taux de mortalité par cancer
Temps consacré aux repas Variation du taux de mortalité par pathologie cardiovasculaire
Population adulte obèse ou en surpoids Variation du taux de mortalité par diabète
Taux de mortalité par suicide Proportion des 11-15 ans en surpoids
Prise d’antidépresseurs ou de stabilisateurs de l’humeur Proportion de fumeurs
Consommation d’alcool
Activité physique
Dépense pour la consommation de fruits et légumes
Moyenne individuelle et journalière d’apport caloriques
Bien-être subjectif
Index OCDE de perception positive
Index OCDE de perception négative
Proportion de personnes qui évaluent  leur vie très positivement Proportion de personnes qui ont une perspective très positive de leur futur
Bien-être matériel
Revenu disponible Variation du revenu disponible moyen
Patrimoine des familles Investissement fixes bruts
Bien-être environnemental
Niveau des particules en suspension dans l’air, d’un diamètre inférieur à 10 µm Taux net d’épargne
Déchets des villes Contribution des sources renouvelables à la fourniture d’énergie nationale
Intensité du trafic des marchandises et des passagers sur route Quantité d’eau utilisée par personne
Emissions totales (CO2, NOX/SOX)
Bien-être éducatif
Score PISA (évaluation des compétences d’un échantillon d’élèves de 15 ans) Variations des inscriptions au système d’instruction tertiaires
Moyenne annuelle des diplômes universitaires Taux de participation à des activités de formation continue
Étudiants étrangers inscrits à l’université
Nombre de journaux vendus
Taux de chômage parmi les diplômés universitaires
Bien-être social
Nombre d’heures consacrés aux soins des enfants Personnes à risque de pauvreté
Taux d’inactivité juvénile Taux de dépendance des personnes âgées
Taux de chômage Différence entre le chômage juvénile et le chômage total
Jours annuels de vacances
Connexion à internet à haut débit
Indice de confiance interpersonnel Taux d’inégalité dans la distribution du revenu
National Institution Index Variation du national institution index
Bien-être politique
Economist Intelligence Unit’s index of democraty Variation du Economist Intelligence Unit’s index of democraty
Corruption perception index Variation du Corruption perception index
Références et autres liens intéressants

¹Sondage BVA-Gallup International, Voice of the People, réalisé en décembre 2010

² Site internet Create your Better Life Index, OECD Better Life Initiative

Article du Nouvel Observateur : Le BIB, préférer le bonheur à la richesse

Crédit photo : Charlie MacBell 😀

 

9 Commentaires

  1. Brice dit :
    Le 7 novembre 2011 - 15:17

    Très intéressant ! Il y a un point qui n’est pas évoqué par les pays et les instituts, et pourtant au coeur du sujet (ce qui m’étonne…) : le bonheur est par définition une notion subjective, or tous les indicateurs sont objectifs.

    Exemple : les études démontrent qu’un manager « mal payé » dans une entreprise où les salaires des autres sont encore plus bas en sera « heureux » tandis qu’un manager très bien payé par rapport à ses responsabilités dans un environnement ou d’autres le sont encore mieux en sera « malheureux ». Tous ceux qui ont voyagé dans des pays pauvres et vu des populations majoritairement souriantes le comprennent d’ailleurs intuitivement : ce ne sont pas tant nos conditions de vie objectives que notre ressenti sur leur amélioration ou leur dégradation qui impactent notre bonheur, voir dans certains cas la comparaison à d’autres (de bonne ou de mauvaise foi…)

    Il serait intéressant de comparer ce programme d’étude avec des critères transversaux applicables à l’échelle mondiale par un barème d’enquête qualitative auprès de la population et de comparer les deux. Le tout dans une perspective dynamique pour prendre en compte les évolutions et leur perception, et enfin assorti d’une question sur l’optimisme par rapport au futur et d’une autre sur le sentiment de justice ou d’injustice par rapport à ceux qui nous entourent, nos voisins de paliers, nos élites et les autres peuples.

    Et d’ici-là, de profiter de l’instant présent… 😉

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    • Ghislaine dit :
      Le 7 novembre 2011 - 20:01

      Je me suis posée la question, en écrivant l’article, de la différence entre le bonheur et le bien-être, sans arriver à une conclusion précise… Même si le bonheur me semble également une notion plus subjective que le bien-être.

      Ceci dit, les « inventeurs » de l’index affirment prendre en compte la subjectivité du bien être à travers plusieurs indicateurs : l’Index OCDE de perception positive et l’index OCDE de perception négative, accessibles sur le site (pour la France : http://www.oecdbetterlifeindex.org/countries/france/)

      Ils disent aussi prendre en compte, dans les pays, la proportion de personnes qui évaluent leur vie très positivement… Notion qui doit nécessairement dépendre de leur situation subjective 🙂

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      • Suzanne dit :
        Le 8 novembre 2011 - 11:39

        Réflexion partagée ! Où est la frontière entre le bien être et le bonheur ? Je me suis posé la question tout du long hier. Car le bien être aussi est subjectif. Il y a ceux qui se sentent bien dans la ville et ceux qui se sentent bien dans les campagnes… A mon avis, il y a quelque chose autour des « incontournables pour rendre le bien être possible » : accès au soin, prise en compte du handicap, stabilité, sécurité, etc. En résumé le cadre général. Et au sein de ce cadre s’exprime toute la sensibilité et le contexte de l’individu qui a sa propre perception. Voilà peut être pourquoi il ne suffit pas d’être riche et bien portant pour être heureux… D’où ces catégories que j’imaginais pour évaluer notre épanouissement et notre contribution. J’ai imaginé des catégories reflétant ce qui touche notre humanité profonde….

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  2. Maïté dit :
    Le 7 novembre 2011 - 16:59

    Super article ! clair, réfléchi et bien documenté, je vais calculer mon quotien bonheur dès maintenant 😉

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    • Ghislaine dit :
      Le 7 novembre 2011 - 20:02

      Merci pour le compliment ! J’espère qu’il est élevé 😀

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  3. Florence dit :
    Le 7 novembre 2011 - 17:01

    Il serait intéressant de différencier le bien-être individuel et le bien-être collectif (la durabilité du premier dépendant en grande partie du second).

    Et j’ajouterais pour cela quelques indicateurs : le temps consacré au sport, le nombre d’heures de jeu (individuel ou collectif, entre amis ou en famille… ), le temps consacré aux activités culturelles au sens large…
    Ces indicateurs « d’un esprit sain dans un corps sain » pourraient, apporter une mesure plus complète du bien-être individuel.

    Et pour ce qui concerne le bien-être collectif, un indicateur du temps passé à s’occuper des autres me semblerait essentiel !

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  4. Suzanne dit :
    Le 7 novembre 2011 - 19:45

    Ouhaaa !
    Je suis toute émerveillée !

    D’abord parce que le Bhoutan a mis en place « le Bonheur National Brut » en 1972, l’année de ma naissance et là, hop, j’ai envie de m’appliquer tout de suite leurs principes fondamentaux (parce qu’il n’y en a que 4) et je les transforme ainsi :

    – croissance et développement économiques en : mon niveau économique actuel factuel, mes perspectives à venir et mon ressenti de la situation (évaluation à la louche : moyen)

    – conservation et promotion de la culture en : mise en œuvre et respect de mes valeurs personnelles, transmission dans ce que j’entreprends au quotidien (évaluation à la louche : top)

    – sauvegarde de l’environnement et utilisation durable des ressources en : respect de mon intégrité physique, de mes bio-rythme, qualité de mon alimentation, connaissance de mon corps, qualité de mes relations sexuelles, capacité de récupération, etc. (évaluation à la louche : bien)

    – bonne gouvernance responsable en : capacité à poser des actes et à m’engager dans la vie, en bref à aller au bout de choses (évaluation à la louche : bien)

    En me relisant, je me dis que rien que cela me permet de faire un point, de voir là où « le bas blesse » et de rectifier pour être plus heureuse !

    Et puis je suis toute émerveillée aussi parce que si les Etats cherchent à mesurer le bonheur, c’est qu’ils se soucient du bien-être des peuples. Et cela, whaou ! C’est une sacrée évolution, non ?

    Du coup, dans la foulée, j’ai envie de créer une grille de mesure du bonheur individuelle. Une grille qu’on apprendrait à l’école. Ben oui, peut-être qu’être heureux cela s’apprend aussi! Au passage cela permettrait d’identifier plein de petits zhumains « trop intelligents pour être heureux ». Et dès tout petit, on pourrait les aider, les accompagner à trouver le chemin du bonheur !

    Une idée me vient : j’organiserai cette grille du bonheur autour de 6 thèmes incrémentaux dans lesquels être épanoui m’apparaît fondamental pour être heureux (j’y vais à l’intuition, là, vous m’excuserez du peu de rigueur) :
    – Moi
    – Ma famille
    – Mes groupes sociaux (amis, activité, sport, travail, etc.)
    – Mon appartenance à l’humanité
    – Mon appartenance au monde du vivant
    – Mon appartenance à la Terre

    On apprendrait à faire des points personnels sur notre niveau de réalisation dans chacun de ces thèmes de vie et à identifier ce qui nous manque ou ce qu’il nous faudrait entreprendre pour être totalement épanoui et donc heureux. Au passage, je me dis que cela résoudrait pas mal de problèmes de couples (je sais ce dont j’ai besoin, donc je peux l’exprimer) et familiaux (ah, tiens mon petit a besoin d’un espace de création artistique).

    Et tiens, là, mon thème « Moi » me parle de douceur, repos et crème dessert à la rose. Hummmmmmmmm !!!! J’y vais ! A plus !

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    • Ghislaine dit :
      Le 7 novembre 2011 - 20:10

      Génial !!! Ca me fait penser au MBTI, qui est un test d’évaluation de la personnalité… On pourrait avoir un test d’aptitude au bonheur, qui permette à chacun de pondérer les différents indicateurs car après tout, si les relations interpersonnelles sont importantes pour moi, peut-être que la réalisation artistique est plus importante pour Brice et que la boxe est une occupation essentielle au bien-être d’Hadrien 😀

      Répondre

  5. Michele dit :
    Le 25 novembre 2011 - 19:32

    Ok, j acheté des gants de boxe pour pouvoir jouer avec Hadrien , dès son arrivée, si j ai bien compris!!!!! Il faudra lui expliquer qu avec les mamies, on frappe plus doucement!!!!!!

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  1. […] de ses membres et leur propose de mesurer leur bonheur (ils pourraient d’ailleurs adapter les critères du BCFN), pour voir si l’adultère les rend plus heureux sur le long […]

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