Bronzage = danger !

18 septembre 2012 6 commentaires Par Justine

Certes, la météo estivale n’a pas été tendre pour une majeure partie du pays. Mais la hausse de fréquentation des cabines à UV, de l’ordre de 20 % au mois de juillet selon le Syndicat national des professionnels du bronzage en cabine (SNPBC), prête à inquiétude. Les personnes souhaitant pallier l’absence de l’astre solaire doivent être conscients des risques qu’ils encourent. Preuves à l’appui.

 Haro sur les cabines à UV

« Les UVA délivrés par les lampes sont inefficaces, ils ne préparent pas au bronzage naturel, ne synthétisent pas la vitamine D et leur danger, c’est le mélanome » : telle est la mise en garde délivrée le 12 juillet dernier par la mission d’information du Sénat mise en place après l’affaire des prothèses mammaires PIP afin d’éviter qu’un tel scandale de santé publique éclate à nouveau. Cette mission va jusqu’à réclamer purement et simplement l’interdiction des cabines à bronzage. On en dénombre à l’heure actuelle 18 000 sur le territoire national.

Une prise de position tranchée justifiée par des chiffres alarmants : selon l’Institut national contre le cancer (Inca), 19 à 76 décès annuels par mélanome cutané, le cancer de la peau le plus redoutable, seraient dus aux UV délivrés dans ces cabines, sur un total de 1600 décès¹. En mai dernier déjà, la ministre de la Santé Marisol Touraine avait annoncé un durcissement de la réglementation à leur égard, par une interdiction de proposer des offres promotionnelles et un plafonnement de la puissance des lampes. Les UVA que ces dernières délivrent ne seraient pas moins nocifs que les désormais redoutés UVB, à des doses massives.

Les études le montrent : plus d’une exposition par mois augmente le risque de mélanome, quel que soit l’âge et le type de peau. Ce risque est majoré de 35 % quand la première exposition a lieu avant 35 ans et augmente avec la période d’exposition². Les UVA pénètrent très profondément dans la peau, accélérant son vieillissement, et provoquent des altérations de l’ADN qui, en excès, ne peuvent plus être réparées, d’où le développement de cellules cancéreuses.

Les 16 % de Français ayant déjà pratiqué le bronzage en cabine doivent savoir par ailleurs que les UVA, s’ils donnent un effet bonne mine, sont incapables de stimuler le bronzage puisqu’ils provoquent l’oxydation de la mélanine.

Gare au béta-carotène

Autre recours, autres risques : les compléments alimentaires à base de béta-carotène ne sont pas indemnes de tout soupçon. Cet anti-oxydant, naturellement présent dans les fruits et les légumes, est régulièrement l’objet d’études tendant à montrer un lien entre sa consommation et la survenue de cancers chez les fumeurs.

Ce fut le cas en 2005 : des chercheurs de l’Inserm et de l’Institut Gustave Roussy ont montré qu’une consommation élevée de compléments alimentaires contenant des béta-carotène – à hauteur de trois par semaine – augmenterait significativement le risque de cancers liés au tabac (principalement cancers du poumon et digestif) chez les fumeuses, d’après des résultats obtenus auprès de 59 910 femmes suivies depuis 1990³.

Une autre étude publiée en 2012⁴ conclut à une association générale entre mortalité accrue chez l’adulte et supplémentation en béta-carotène. Si l’on reste à l’heure actuelle dans le domaine de la suspicion, mieux vaut manier ces produits avec prudence et demander l’avis d’un spécialiste avant de les consommer. Un avis que semble partager l’EFSA (Agence européenne de sécurité des aliments) qui a rejeté l’ensemble des allégations de santé relatives à la béta-carotène, composé qui n’a définitivement pas fait ses preuves.

 Un culte dérangeant

Face aux dangers que représentent ces subterfuges, pour des résultats plus que relatifs, c’est le culte du bronzage en lui-même qui est à remettre en question. Il y a un siècle encore, avoir le teint hâlé était réservé aux classes paysannes, accoutumées à travailler à l’extérieur. Les femmes de la haute utilisaient du maquillage blanc pour conserver leur teint de porcelaine, signe d’aristocratie encore d’usage dans certains pays, en particulier en Asie. Il n’est pas rare d’y voir les femmes parées de chapeaux, visières ou ombrelles en plein été pour se protéger des rayons du soleil.

Mais aujourd’hui, dans nos sociétés occidentales, la mode ou encore la publicité ont donné au bronzage une toute autre valeur : celle de l’indispensable à arborer pour prouver que l’on a un certain standing social, en montrant à nos semblables que l’on a les moyens de partir en vacances par exemple. La récente polémique concernant la campagne de la H&M avait déjà amorcé le débat, qui semble loin d’être clos.

Une éducation à poursuivre

Pour les vacanciers qui peuvent profiter des vrais rayons solaires, la prudence est aussi de rigueur ! Un récent baromètre mené par l’Inpes a montré que les connaissances des Français en la matière sont loin d’être suffisantes… Si la quasi-totalité des interrogées admettent l’association entre exposition au soleil et cancer, certaines « fausses croyances » sont encore répandues. Près de 40 % des Français pensent que les coups de soleil de l’enfance bien soignés sont sans conséquence à l’âge adulte. 21 % estiment que les coups de soleil préparent la peau en la rendant moins vulnérable au soleil. Enfin, 8 % persistent à croire que mettre de la crème solaire une seule fois permet de s’exposer au soleil toute la journée⁵. Des a priori qui témoignent de la nécessité de poursuivre les campagnes de santé publique à ce sujet. Parce que les risques pris aujourd’hui ne pourront être rattrapés plus tard.

 Sources:

¹ Bulletin épidémiologique hebdomadaire n°18-19 du 23 mai 2012, Le bronzage artificiel : une menace bien réelle, mais évitable, pour la santé publique

² Il y a tout à perdre à fréquenter les cabines de bronzage, Ducruet C., lesechos.fr, 4 juillet 2012 (page 10 du pdf)

³ Dual association of beta-carotene with risk of tobacco-related cancers in a cohort of French women, M. Touvier et al, Journal of the National Cancer Institute 2005; 97:1338-1344.

Antioxidant supplements for prevention of mortality in healthy participants and patients with various diseases, Bjelakovic G. et al, Cochrane Database Syst Rev. 2012 Mar 14;3:CD007176.

⁵ Baromètre Cancer 2010, Inpes

 

6 Commentaires

  1. Nico dit :
    Le 19 septembre 2012 - 11:08

    Beau style d’écriture ! ce n’est pas le 1er article qui met en garde contre les cabines et compléments malheureusement les cabines UV fleurissent comme les McDo parce que ça marche… Mais comme tu dis c’est tendance.. être beau contre un cancer, qui dit mieux ?

    Répondre

  2. Justine dit :
    Le 19 septembre 2012 - 13:16

    Merci Nico ! 🙂 C’est marrant que tu parles de McDo parce que pour moi on peut faire un autre parallèle entre les deux : tout est une question de modération ! Je m’explique : je pense qu’utiliser ponctuellement une cabine à bronzage ou même faire une cure de béta-carotène par an n’est pas si néfaste en soi. C’est quand cela excessif que les dangers explicités dans l’article surgissent ! Donc là où ça se rapproche du McDo, c’est qu’il faut savoir doser et ne pas tomber dans le « trop ». Après, le McDo on peut se contrôler (je parle pour ma paroisse en tout cas), mais le bronzage peut vite devenir addictif. Il devient part de notre identité quelque part puisque tout le monde le voit, il se porte sur notre visage ! Donc méfiance… J’ai déjà vu des personnes avec un bronzage qui ne faisaient tellement pas naturel… ça n’est même pas beau.

    Répondre

    • Nico dit :
      Le 19 septembre 2012 - 14:59

      Pour te répondre :
      Je pense effectivement que l’usage modéré n’est pas dangereux mais dans ce cas ne présente aucun intérêt puisque les séances UV ou prises de gélules doivent être quotidiennes pour obtenir un résultat et le préserver : le problème est là, une fois que l’on a touché, on ne revient plus en arrière. Des gens n’auront jamais de problème avec ça mais d’autres, mal informées ou inconscients, peuvent encourir de réels risques.

      Il faut donc s’attarder sur la prévention comme tous les autres sujets même si la plupart des gens passent à côté (cigarette, drogue etc qui présentent une addiction). Mais l’addiction vient-elle de soi-même ou des autres ? On ne cherche pas le soleil pour être de bonne humeur (luminothérapie par ex.), on cherche à plaire et suivre la mode, donc plutôt des autres à mon avis. Le bronzage, c’est un phénomène de société (qui n’est pas prêt de partir), d’ailleurs les magazines n’oublient pas de le rappeler…

      En ce qui concerne le McDo, c’est comme beaucoup de choses : « J’y vais parce que c’est pratique et que ça fait bien ». On mesure peu les conséquences de ce genre de pratique qui devient commune.

      Tout est à utiliser ou faire avec précaution en tout cas et vive le soleil 😉

      Répondre

  3. Brice dit :
    Le 19 septembre 2012 - 13:17

    Excellent article, bien écrit, bien documenté et donc forcément très instructif en joignant l’utile à l’agréable.

    Le premier point d’étonnement pour moi en le lisant, c’est que ces chiffres illustrent un danger qui me semblait totalement public et connu depuis plusieurs décennies. A savoir qu’il existe deux sortes d’UV : les mauvais… Et les mauvais. On appelle les premiers UVA pour Age et les seconds UVB pour Brulure. Comment faire plus simple ? Peut-être la loi devrait-elle obliger tous les acteurs (associations, entreprises, cosméticiens, etc.) à les appeler UV-Age et UV-Brulure ! Ce qui devrait bien finir par avoir un impact sur l’opinion publique.

    Le point suivant est que le tabac nous a malheureusement montré qu’il y avait un gouffre béant entre la compréhension d’un danger et le changement d’un comportement. Idem pour les chauffards qui ont dix accidents au compteur et continuent à rouler en excès de vitesse permanent. Il faut souvent le décès d’un proche ou une sérieuse alerte personnelle pour réagir… Et même comme ça, rien n’est jamais gagné d’avance. Entre ceux qui n’arrivent pas à anticiper les conséquences de leurs actes (même quand ils les connaissent) et ceux qui ne tiennent ni à leur vie ni à celle des autres, il faudrait à la fois transformer la tête et le cœur d’un grand nombre de personnes. Quel courage ont ceux qui mènent ces combats ! Dont vous ici sur SDN, bien entendu.

    Un dernier point enfin me fait réagir. Je comprends l’article à charge contre les cabines et les compléments alimentaires, mais la fin me donne le sentiment d’un article à charge contre le soleil. Il serait intéressant de factualiser aussi les bons côtés de l’exposition au soleil (effet antidépresseur,, génération de vitamine D, etc.). Ce qui permettrait de conclure sur ce qu’est la bonne exposition au soleil, comment elle se pratique et pourquoi elle est si formidable !

    J’aime beaucoup l’esprit toujours optimiste et constructif de ce blog qui croit à la science et au progrès. Surtout ne devenez pas une voix anxiogène de plus, car nous n’avons pas uniquement besoin de vos connaissances mais aussi de vos lumières ! 😉

    Répondre

  4. Florence dit :
    Le 20 septembre 2012 - 13:23

    Je me souviens qu’il y a quelques années, un dermatologue à qui je parlais d’une légère allergie au soleil que je subissais les premiers jours d’été, m’a conseillé de faire quelques séances d’UV afin de préparer ma peau au soleil… N’étant pas très partante pour ce type de pratique, elle me proposa d’absorber alors des compléments alimentaires à base de béta-carotène, un mois avant mon départ, et de continuer le traitement pendant mes vacances…

    Bien sur, je lutte actuellement contre ma fâcheuse tendance à faire confiance à la médecine en général et à mes médecins en particulier ! J’essaie de prendre plusieurs avis lorsque j’ai un doute ou que j’entends différents sons de cloche. Mais il n’est pas toujours facile de trouver les informations claires et justes dans la multitude d’idées reçues que l’on peut lire ou entendre.

    Alors un grand merci pour cet article, comme pour tous ceux que tu écris et qui m’apportent souvent une nouvelle réponse à des questions que je me pose, ou pire, à celles que je ne me pose pas en croyant savoir !

    Répondre

    • Ghislaine dit :
      Le 20 septembre 2012 - 14:09

      Hihihi, c’est amusant parce que c’est Justine qui a écrit l’article :). J’ai entendu aussi des « prescriptions » de ce type par des dermato à des amies « allergiques » au soleil.
      J’imagine qu’il y a peut-être deux poids deux mesures : comme pour les médicaments, quand on est bien-portant il peut être dangereux d’en prendre, mais quand on est malade c’est nécessaire, c’est peut-être la même chose pour les UV ou les compléments alimentaires…

      Répondre

Répondre à Nico

Votre email n'est jamaispublié ou partagé. Les champs requis sont marqués *