Cantines américaines

1 mai 2017 5 commentaires Par Ghislaine

Article paru dans les Cahiers de Nutrition et de Diététique, avril 2017

L’évolution des « maladies de pléthore » en Europe, suivant un chemin semblable à celui des Etats-Unis, et l’influence très forte de ces derniers dans la « globalisation » de l’offre alimentaire nous conduit naturellement à étudier leur

modèle alimentaire. Pour autant, peu de travaux scientifiques se sont penchés sur la comparaison des modèles scolaires européens et américains en matière d’alimentation, qui pourraient pourtant expliquer en partie le « French Paradox » si tant est qu’il existe. En effet, de nombreux travaux suggèrent que l’alimentation lors de l’enfance conditionne fortement l’équilibre alimentaire de l’adulte. Les américains en ont conscience et le système scolaire évolue fortement ces dernières années.

Comment sont encadrées les cantines scolaires aux USA?

Les systèmes de restauration scolaire américain sont multiples et sont régis par différents niveau règlementaires :

  • Le gouvernement fédéral
  • Les Etats fédéraux
  • Les districts scolaires
  • Les établissements scolaires

En 2004, le Congrès Américain a imposé à chaque district et établissement scolaires de définir et appliquer une « politique de bien-être » (Wellness Policy) avant 2006. Ces politiques devaient inclure des objectifs d’éducation à la nutrition, des standards nutritionnels minimums, des recommandations concernant la vente d’aliments ou de boissons en dehors des programmes alimentaires des écoles et des objectifs d’activité physique.

Ces « politiques de bien-être » existent désormais, au moins en théorie, dans tous les districts scolaires des Etats-Unis.

La Fondation Robert Wood Johnson a évalué ces programmes en 2009. La moyenne de la « force » (strength) des politiques était alors notée 35 sur une échelle de 0 à 100. Moins de la moitié des districts scolaires avaient réalisé la mise en place effective et évalué l’efficacité des politiques développées. Les critiques les plus fortes concernaient le manque de précision dans la définition des objectifs et des moyens d’y parvenir et l’absence de chefs de projet ou d’équipes projet pour suivre l’implémentation des politiques. Enfin, leur financement n’était, dans la grande majorité des cas, pas prévu par le district scolaire.

La Californie prend le problème au sérieux

Suite à ce rapport, l’Etat de Californie a initié un certain nombre de mesures, dont le projet LEAN (Leaders Encouraging Activity and Nutrition), un programme visant à fédérer les parties prenantes de l’alimentation scolaire, dont les districts scolaires, les membres du directoire des établissements, les parents et les élèves. Des formations de formateurs, des supports de communication, des exemples de projets sont mis à disposition des acteurs sur le site internet, ainsi qu’un support par téléphone.

Une autre initiative intéressante est le « Team California for Healthy Kids », avec pour objectif de « faire que les meilleurs choix soient aussi les plus faciles » (make healthy choices the easy choices). Très pratique, cette initiative donne des conseils pour constituer une équipe support, trouver des fonds nécessaires pour créer des « bars à salade », mettre en place des partenariats avec des agriculteurs locaux… Dans les écoles les idées concrètes autour de l’éducation des enfants à la nutrition sont nombreuses et variées : développement des potagers scolaires, cours de cuisine, cours de nutrition soulignant la saisonnalité des fruits et légumes. La promotion de l’eau comme principale source d’hydratation est également renforcée, que ce soit en classe (cours de sciences, santé, nutrition, éducation physique notamment) ou en dehors à travers des campagnes d’affichage. Le lait également mentionné dans les boissons à privilégier auprès des enfants, et les boissons recommandées lors des repas sont l’eau et le lait.

Que se passe-t-il avant 5 ans ?

Si on peut saluer ces initiatives, venant d’un Etat relativement exemplaire en matière de nutrition, on peut tout de même s’interroger sur un certain nombre de pratiques ayant cours dans les écoles californiennes. Tout d’abord, ces mesures ne concernent que l’école publique, accessible à partir de 5 ans. Avant cet âge, les enfants sont pris en charge par des établissement privés qui n’ont pas d’obligation de suivre ces programmes. Dans la plupart des cas, c’est une entreprise privée extérieure à l’école qui propose un service de restauration sous forme de « lunch box ».

Ces dernières sont constituées d’un plat principal, d’une boisson (eau, lait ou jus de fruit) et d’un fruit ou d’un gâteau. Les options de plat principal incluent généralement une source de protéines et des féculents, plus rarement des légumes. Vous pourrez trouver en annexe quelques exemples de plats principaux proposés par le service privé de restauration d’une école californienne, privée elle aussi. On notera l’information nutritionnelle détaillée accessible pour l’ensemble des plats principaux. Ces plats sont accompagnés d’une boisson au choix : lait nature, lait chocolaté, eau ou jus de pomme et d’un fruit de saison au choix.

Certaines options sont des « classiques » américains comme le sandwich au beurre de tournesol (alternative au beurre de cacahuète pour limiter les risques allergiques) avec de la confiture, ou du granola (mélange de céréales complètes agrégées dans du miel) avec un yaourt. Ces deux dernières options constituent donc, dans l’esprit des restaurateurs, un plat principal acceptable pour le déjeuner d’un enfant de maternelle… Mais évidemment, pour une Française spécialiste de nutrition, la perception est légèrement différente 😉 ! 

Le goûter aux Etats-Unis, un repas salé en termes de fréquence et de calories

Un autre point notable de différence avec la France concerne les gouters, ou « snacks ». Notamment, la composition et la fréquence des « snacks ». Ils sont fréquemment constitués de biscuits salés (Bretzels, Cheddar Bunny et Honey Bunny par exemple, certifiés « agriculture biologique ») ou de céréales extrudées (Golden Grahams). Ces biscuits, servis avec de la crème de fromage et des fruits secs ou des fruits frais, sont proposés le matin et deux fois l’après-midi, pour peu que l’enfant reste à l’étude après la classe.

L’espace-temps du repas, peu considéré

Dans la plupart des établissements privés, les repas sont pris dans la classe pour les plus petits, ou dans la cour, peu d’école ayant une structure de restauration dédiée ou même un espace « cantine ».

Le temps imparti pour la pause déjeuner est un autre point de différence avec la France : 45 minutes en petite classe à 30 minutes pour les plus grands, incluant la récréation. L’importance de dédier un temps plus long au repas, et d’organiser les « pauses déjeuner » pour que les élèves puissent se détendre avant le passage à la cantine lorsqu’elle existe, a été soulignée par l’organisation « Ecoliteracy », qui a publié un guide pour « repenser la pause déjeuner à l’école » (rethinking School lunch guide).

Je n’ai pas vu d’initiative fédérale ou gouvernementale à ce sujet, ni d’évaluation récente des politiques de « bien-être » et on peut douter que le nouveau gouvernement américain en fera sa priorité…

Annexe

Exemples de plats principaux proposés dans une école privée californienne pour des enfants de 3 à 10 ans. Note : dans certains cas, une version « large » est proposée. Les données nutritionnelles détaillées ici concernent les versions standards :

  • Lasagnes complètes à la ricotta et mozzarella, sauce tomate et sauce au pesto – portion de 250g, 406 kcal, 19g de lipides dont 6g de saturés, 38g de glucides, 20g de protéines, 3g de fibres, 451 mg de Ca, 983 mg de Na
  • Raviolis végétariens avec riz complet et edamame – portion de 293g, 406 kcal, 10g de lipides dont 1g de saturés, 63g de glucides, 18g de protéines, 8g de fibres, , 198 mg de Ca, 305 mg de Na
  • Pain de viande « maison » avec purée de pomme de terre, pois et carottes – portion de 331g, 451 kcal, 24g de lipides dont 11g de saturés, 39g de glucides, 29g de protéines, 5g de fibres, 93 mg de Ca, 753 mg de Na
  • Salade d’épinards et poulet, concombres, carottes, oignons marinés et tomates – portion de 338g, 368 kcal, 20g de lipides dont 2g de saturés, 28g de glucides, 22g de protéines, 5g de fibres, 119g de Ca, 352g de Na
  • Wrap méditerranéen aux falafels, avec humus et sauce au yaourt tomate et concombre – portion de 326g, 621 kcal, 27g de lipides dont 4g de saturés, 76g de glucides, 20g de protéines, 16g de fibres, 183 mg de Ca, 1363 mg de Na
  • Combinaison « cool » de yaourt et muffin avec des fruits frais – portion de 331g, 462 kcal, 8g de lipides dont 1g de saturés, 89g de glucides, 10g de protéines, 3g de fibres, 178mg de Ca, 370 mg de Na
  • Sandwich au beurre de tournesol et confiture – portion de 145g, 491 kcal, 23g de lipides dont 6g de saturés, 55g de glucides, 19g de protéines, 7g de fibres, 243g de Ca, 620mg de Na
  • Makis californiens au riz complet, surimi, avocat et édamame – portion de 436g, 519 kcal, 24g de lipides dont 3g de saturés, 66g de glucides, 13g de protéines, 9g de fibres, 41mg de Ca, 612mg de Na

Sources 

Site web Team California for Healthy Kids, www.cde.ca.gov/eo/in/tchk.asp

TCFHK nutrition resources : www.cde.ca.gov/ls/nu/he/teamcalnutrition.asp

Let’s Move ! Child Care, https://healthykidshealthyfuture.org/about/

Californian project lean : www.californiaprojectlean.org/

Rethinking School Lunch Guide, www.ecoliteracy.org/download/rethinking-school-lunch-guide

Evaluation of the School Lunch Initiative, de l’Université de Berkeley, www.ecoliteracy.org/sites/default/files/sli_eval_exec_summary_2010.pdf

Mediocre Grades for School Wellness Policies, Robert Wood Jonhson Foundation, www.rwjf.org/en/library/articles-and-news/2009/07/mediocre-grades-for-school-wellness-policies.html

Crédits photos :

America’s food lunch disaster, in Sharon, Vt., Wednesday, Feb. 3, 2010. (AP Photo/Toby Talbot)(Credit: Toby Talbot)

Choicelunch, Oven roasted herb chicken et Sunbutter and Jam sandwich.

 

5 Commentaires

    • Ghislaine dit :
      Le 9 mai 2017 - 05:50

      Effectivement, c’est bien triste… La raison invoquée est très triste également : les enfants ne mangent pas et mettent tout à la poubelle. Peut-être qu’il faut aussi apprendre aux Chefs à préparer les repas, mais cela est aussi le cas en France malheureusement, et contrairement à ce que peut suggérer le documentaire de Michael Moore 😉

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  1. Isabelle dit :
    Le 9 mai 2017 - 03:43

    Il semble qu’il y ait long entre théorie (les lois incitatives) et pratique (réalité de l’alimentation à l’Ecole).
    Notre fille termine ses 4 années de High School. Pas de service de restauration au lycée, que ce soit à San Francisco, ou dans la Péninsule. La proposition de nourriture consiste en la vente quotidienne de tacos, pizzas et autre paquet de chips ou sodas. Les élèves ne s’arrêtent que très rarement pour manger: la pause de 45 mn est « récupérée » pour nombre d’activités extra ou péri-scolaires (les clubs, les temps de soutien avec les profs, les réunions d’informations de toutes sortes, régulièrement obligatoires…).
    De plus, la nourriture est souvent considérée comme une « récompense »: un bonbon pour valider le challenge dans le cours d’Histoire, des chips et des boissons pour attirer les parents aux réunions internes, un petit déjeuner servi aux profs le lendemain de la soirée « réunion parents-profs »… La nourriture au centre de l’activité, mais quelle nourriture…!
    En 1ère année de lycée, notre fille avait suivi une activité spéciale pendant une semaine: alimentation, santé, bien-être. Super! Ah oui, mais la semaine suivante, des pizzas étaient vendues au « goûter » pour financer un autre projet! Sans parler de la copine que notre fille n’a jamais vu manger pour son « lunch » que des bonbons, et le copain qui mange tous les jours le même sandwich au beurre de cacahuète…
    Autant vous dire que la lunch box maison, avec des légumes cuisinés, et une variété de couleurs et de textures, fait bien souvent figure d’extra-terrestre dans la cour du lycée. Car, je confirme effectivement, qu’il n’y a pas d’espace dédié au repas…

    Merci de proposer un sujet tellement, tellement important: Je suis ce que je mange! Pourrait-on se le redire plus régulièrement, déjà à titre individuel et l’enseigner, aussi..?

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    • Ghislaine dit :
      Le 9 mai 2017 - 05:47

      Merci Isabelle pour ce témoignage qui va dans le même sens que mes premières expériences en tant que maman Californienne… Comme tu l’indiques d’ailleurs dans ton récit, les enfants ont pourtant des cours de nutrition, mais entre la théorie et la pratique il y a un monde, et dans ce cas précis la pratique est plus importante que la théorie !

      Répondre

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