Une Gastronome en Californie

2 janvier 2017 9 commentaires Par Ghislaine

Il y a 6 mois nous sommes arrivés en Amérique. Quel changement ! Moi qui avais peur de ne pas trouver de “bons produits”, je n’aurais pas pu me tromper davantage : la Californie doit être une des régions au monde où on trouve les plus beaux fruits, les légumes les plus savoureux. En revanche, j’ai réalisé à quel point la gastronomie façonne mon alimentation, et combien elle pourrait bénéficier aux Américains.

Qu’est ce qui change dans les repas français ?

En 2010, le repas gastronomique des Français a été inscrit au patrimoine mondial immatériel de l’humanité par l’UNESCO. Il est décrit comme une manière exceptionnelle de s’alimenter, pour “célébrer les moments les plus importants de la vie des individus et des groupes, tels que naissances, mariages, anniversaires, succès et retrouvailles”. Pourtant, la description qu’en fait l’UNESCO me semble presque celle de mes repas de tous les dimanches, voire de tous les jours si l’on supprime l’alcool : une entrée, un plat, du fromage et un dessert, en prenant le temps de savourer les aliments, qui auront été choisis et préparés avec soin, et pris ensemble… Manifestement ce n’est pas seulement mon cas : le CREDOC a édité deux rapports qui montrent les particularités des repas “français”:

  • diversité, provenant de repas à 3 composantes
  • régularité, avec 3 à 4 repas par jour, à heure fixe
  • commensalité, ⅔ des Français mangent leurs repas à plusieurs.

Foody vs gastronome

La Californie est une région connue pour son intérêt pour l’alimentation, et le nombre de personnes que je rencontre se qualifiant de “Foodies” est impressionnant. En pratique, le “Foody” n’est pas un “bon vivant”, ce que je pensais au départ. C’est quelqu’un qui aime manger, mais pas forcément se mettre à table. Je n’avais jamais vraiment fait attention à cette particularité de notre culture française, mais elle m’a sauté aux yeux ici : les anglo-saxons en général, Californiens inclus, voient dans l’alimentation une activité fonctionnelle.

Boire un petit coup…

J’avais espéré que la culture vinicole serait un lieu de propagande, le vin étant par définition une boisson gastronomique. Erreur. Là aussi, la surprise est grande ! Que ce soit lors d’une dégustation “privée” avec le gratin de la Silicon Valley, ou dans la fameuse Napa Valley où nous avons passé Noël, la dégustation du vin est faite à jeun ou presque. Ayant eu la chance de vivre le meilleur du Bourgogne au Clos Vougeot, avec ses 8 plats choisis en fonction des vins, j’attendais une approche un peu plus holistique des plaisirs bacchusiens.

Ici, les amateurs de vin boivent à jeun et notent les bouteilles à l’aveugle, avec quelques crackers pour faire passer, avant d’écouter les statistiques de leurs “bons” ou “mauvais” goûts et de manger une pizza sur le pouce en n’ayant aucune idée de la possible existence de nos chansons à boire. Les Wineries proposent des circuits dans leurs établissements, où l’on passe d’un stand à l’autre pour goûter les différents crus, et en fin de visite quelques petits morceaux de fromages accompagneront les meilleurs bouteilles. Pas de petits fours, pas d’entrée, plat, fromage ou dessert. En revanche, une connaissance des cépages et des assemblages qui m’ont fait me sentir bien ignorante de nos vins “à nous”, qui selon mon cher et tendre sont parfois même assemblés différemment d’une année à l’autre, en fonction de la météo, des bactéries, de l’humeur des raisins et de l’âge du capitaine.

A table !

Tout cela a évidemment à voir avec la Gastronomie. L’oenologie est au plaisir de boire ce que la nutrition est au plaisir de manger. Une science intéressante, qui permet peut-être de faire de meilleurs choix, mais qui ne se substitue pas à une conscience profonde de ses envies, de ses goûts, de ses besoins en termes de plaisir, de réconfort ou de santé, ni à l’importance du contexte, du temps qu’on y passe et des personnes avec qui on le pratique. Pourtant, la culture nous sauve de nos instincts alimentaires : dans un environnement d’opulence, nous mangeons naturellement plus que de raison, nous allons au plus satisfaisant gustativement et caloriquement. Avec la culture, cet environnement est “contraint” par nos techniques culinaires, nos rythmes et nos manières.

C’est pour cela que la Gastronomie réconcilie tout le monde : en prenant le temps d’écouter, les plus savants, les plus sensibles, on peut apprendre autour d’un repas la science de l’autre, les pensées et projets d’avenir, les goûts et les couleurs. La commensalité m’est chère, lorsqu’à la même heure, nous nous retrouvons tous à table, que ce soit à la cantine, au restaurant ou dans la cuisine, pour célébrer le plaisir d’être ensemble. Et c’est bon pour la santé.

Références (CREDOC)

La restauration collective au travail conforte le modèle alimentaire français

Plus forte diversité alimentaire en France qu’aux Etats-Unis

Comportement et consommations alimentaires en France

Le modèle alimentaire Français contribue à limiter le risque d’obésité

 

9 Commentaires

  1. Garry dit :
    Le 2 janvier 2017 - 10:48

    Belle analyse, bravo Ghislaine !!
    Et la mise en pratique, avec ton tajine aux citrons confits maison est très agréable !
    Je confirme la richesse en fruits et légumes de cette merveilleuse Californie , avec ses marchés du samedi qui n’ont rien à envier aux nôtres , du sud!
    Et une mention spéciale pour ma part pour les yoghourts, de plusieurs sortes , délicieux , que l’on trouve dans les grands magasins .
    Effectivement, avec tous ces produits de bonne qualité, un transfert de savoir-faire et de gastronomie est un excellent plan d’activité !!!

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