La douleur est aussi culturelle

18 octobre 2010 3 commentaires Par Ghislaine

C’est aujourd’hui la journée mondiale de la douleur.

Une journée pour parler de la douleur, est-ce bien assez ? Le terme lui-même mérite qu’on s’y attarde :  à quoi fait-il référence ? Un mot unique pour décrire la sensation  d’un coeur qui se brise ou d’un corps qui se casse… La migraine et la mélancolie sont des douleurs, mais qu’ont-elles en commun ? L’Association Internationale pour l’Etude de la Douleur en donne cette définition : « La douleur est une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable. »

La douleur est aussi un élément culturel, comme le montre un sondage réalisé pour l’occasion par l’IFOP sur les Européens et les douleurs du quotidien sur lequel j’ai eu la chance de travailler : les Européens ont des attitudes très différentes face à la douleur. Une très grande majorité des Français (94%) trouvent tout à fait normal de soulager leurs douleurs. En revanche, les Anglais ne sont que 31%. Difficile de ne pas mettre en parallèle les systèmes de santé, réputés très efficaces chez nous et pas du tout au Royaume-Uni. Est-ce le système de santé qui nous incite à traiter rapidement notre douleur, où est-ce notre intolérance de la douleur qui a fait de notre pays un précurseur en matière de prise en charge des malades ? S’il y a un sociologue de la douleur qui me lit, merci de commenter !

Echelle Visuelle Analogique pour Enfants

L’Institut UPSA de la Douleur et son site internet, www.institut-upsa-douleur.org, sont de très bonnes références pour creuser le sujet. La douleur est une expérience subjective, qu’il est difficile de mesurer, et ce quel que soit le pays d’origine. Il existe des échelles de douleur efficaces, comme l’Echelle Visuelle Analogique ou son adaptation pour enfants, qui sont utilisés dans les hôpitaux avec succès. La limite de l’exercice est celle de la capacité d’expression des patients :  chez les malades mentaux, comment distinguer une douleur dentaire d’une crise de démence ? Chez le nouveau-né, comment savoir la cause des pleurs ?

« La douleur et le plaisir sont les deux faces d’une même pièce, deux sensations opposées, complémentaires et sans doute indissociables des comportements humains. »

Enfin et de façon troublante, la douleur est parfois recherchée. C’est le cas chez les fakirs, où la douleur est associée à la méditation. La douleur physique était, dans certaines religions, un moyen d’expier ses fautes. Chez les adeptes du sadomasochisme, la douleur est une source de plaisir… Alors expérience subjective, objet psychologique ou élément culturel ? Si vous avez mal au crâne, vous pouvez toujours aller vous chercher une aspirine…

Pour le plaisir… King of Pain, superbement interprétée par Alanis Morissette :

 

3 Commentaires

  1. Brice dit :
    Le 18 octobre 2010 - 13:55

    Je réagis à « La migraine et la mélancolie sont des douleurs, mais qu’ont-elles en commun ? » car cette phrase me rappelle une expérience. Je devais faire un examen des nerfs à l’hôpital St Antoine il y a quelques années, suite à une attaque virale démyélinisante qui m’a valu d’être paralysé du dos quelques mois. Bref, l’examen consiste à envoyer des décharges électriques pour faire réagir les nerfs et mesurer leur réaction… et il est réputé très douloureux.

    Le médecin me dit « sur une échelle de 1 à 10, si 1 c’est juste gênant et 10 absolument intolérable, dites-moi au fur et à mesure du test où vous vous situez… » Un peu inquiétant mais je comprends bien la logique. Donc je lui dis : 2… 2… 3… 4… Et là il me regarde et il s’arrête avec un air perplexe ! « Il doit y avoir un problème plus grave que je ne pensais… Normalement vous devriez me dire 9 ou 10 à cette étape du test. »

    Alors je le rassure, je lui dis que j’ai vraiment mal et donc que tout va bien (étrange hors de son contexte mais non, je ne suis pas Fakir !). Et il me demande « Mais pour vous, c’est quoi au juste 10 ? » Je lui explique : pour moi, 10 c’est la douleur psychologique, celle qui vous broie l’esprit dans la noirceur du désespoir absolu. Lui et moi, on n’était tout simplement pas sur la même « échelle de la douleur », et j’avais mal physiquement mais pour moi ce n’était rien en comparaison avec la douleur psychique.

    Donc oui, la douleur objet culturel mais aussi objet intime, identitaire et impartageable. Un « quale » tel que le définit le philosophe américain Daniel Dennett, impossible à quantifier, expliquer ou transmettre. http://fr.wikipedia.org/wiki/Qualia

    L’appréhension de la douleur demande donc, je pense, beaucoup de temps, de parole et d’humilité car chacun de nous en a sa propre expérience et nos échelles de 10 ne se ressemblent pas. Et néanmoins elle nous définit aussi certainement, dans une certaine mesure. Car quel que soit le métal dont nous sommes faits, il n’a généralement pas été forgé à feu doux…

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    • Ghislaine dit :
      Le 18 octobre 2010 - 14:28

      Ton commentaire me fait également penser à la perception de la douleur de l’autre, souvent dévalorisée sauf chez ceux qui savent écouter. L’empathie est une bonne chose pour les médecins !

      C’est un des points que j’ai abordé avec le Dr Eric Boccard, président de l’IUD, qui est un praticien de la douleur (il a une consultation à l’hôpital), et qu’il met en pratique tous les jours. L’écoute, première qualité d’un bon médecin? Je pense que oui !

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  2. Merlin Pin dit :
    Le 25 octobre 2010 - 22:03

    La prise en charge de la douleur par les médecins est récente. Il y a quelques années encore, peu s’en préoccupaient alors que des solutions existaient.

    De ce côté là, de grands progrès ont eu lieu. Mais la capacité à écouter a encore de grands progrès à faire.

    Et pour les ados : prévoir un chat sur FB pour faciliter le dialogue ?

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