Science et marketing

21 novembre 2010 2 commentaires Par Ghislaine

Tous les jours ou presque, je vois s’affronter la science et le marketing dans mon métier de communicante. C’est normal me direz-vous, « on ne peut pas concilier la rigueur scientifique avec les objectifs de vente du marketing ». Et pourtant…

La Science est partout…

La plupart des produits que nous achetons aujourd’hui, que ce soit des aliments, des détergents, des cosmétiques ou des médicaments, sont issus de travaux de recherches spécifiques ou le fruit de dizaines, voire de centaines d’années d’expérience de terrain.

La science, telle que nous la pratiquons aujourd’hui dans les laboratoires de recherche, n’est qu’une façon plus efficace de capitaliser sur l’expérience des passionnés qui testent, se trompent et parfois, réussissent.

… Le marketing aussi…

La plupart des produits que nous achetons aujourd’hui sont également issus de plans marketing très détaillés. Ils font l’objet de campagnes de communication vers les médecins, les journalistes, les politiques. Ils font aussi l’objet de campagnes de pub auprès des consommateurs.

Qu’est ce qui fait que nous achetons plutôt Danone que Yoplait, plutôt L’Oréal qu’Estée Lauder ? C’est le marketing : les couleurs de l’emballage, l’image que les produits nous renvoient… Pour les médicaments c’est un peu plus compliqué, mais les médecins prescrivent aussi en fonction du dernier visiteur médical qu’ils ont reçu dans leur cabinet !

Le marketing s’appuie souvent, dans ses messages publicitaires, sur la science : la montée en puissance des aliments santé, l’efficacité des cosmétiques… Font souvent valoir des résultats d’études cliniques ou les bienfaits de tel ou tel ingrédient. Lorsque je regarde ça de près, en allant voir par exemple sur le site Pubmed la réalité des publications scientifiques, je suis souvent déçue.

Quelques entreprises ‘jouent le jeu », c’est le cas de Danone et L’Oréal… Mais leurs publicités sont souvent très éloignées de la réalité de leur recherche, et comment faire comprendre l’action des probiotiques sur la flore intestinale quand la plupart des gens ne savent pas qu’une bactérie peut être bonne pour la santé ?

… Et moi entre les deux !

C’est là que pour moi, la communication prend tout son sens : elle s’appuie sur des faits et permet à ses interlocuteurs de se faire une opinion. Mon travail, c’est d’apporter des éléments factuels au débat, de le nourrir, de lui donner un espace d’existence.

Dans mon métier, la science ne s’oppose pas au marketing, elle les rend compatibles : la factualisation du débat permet de renforcer le message publicitaire, de lui donner des bases solides, d’expliquer la démarche qui va de l’offre (la science) à la demande (l’expression des besoins des consommateurs). Elle rend acceptable les messages publicitaires et les complète…

L’autre aspect de la communication est la veille : A l’affût des informations qui intéressent mes clients, je leur permet également de prendre du recul et j’analyse les tendances de leurs univers. L’esprit critique de mes blogueurs préférés me permet de mettre mes « pendules à l’heure », d’évaluer la crédibilité des messages que j’envoie… Quoi de mieux qu’un article de GrangeBlanche pour illustrer les risques d’une communication trompeuse vers les journalistes ?

La communication peut-elle être éthique ?

Ce n’est pas évident, car la simplification est souvent porteuse d’erreurs et la vérité n’existe pas. Néanmoins je suis convaincue qu’il est possible de communiquer en respectant la déontologie scientifique et les contraintes du marketing. En tout cas je m’efforce de le faire, à travers l’écoute des critiques et la prise en compte de mes doutes et questions.

La présence des géants de l’agro-alimentaire au MEDEC en mars avait fait couler beaucoup d’encre. Sommes-nous allé trop loin en recommandant à McCain d’aller combattre les idées reçues sur les frites ? En quoi notre communication était-elle plus choquante que celle des laboratoires ? Pas de distribution de produits sur le stand, pas de coupons de réduction, juste une brochure qui rappelle ce qu’il y a dans une frite. Et la possibilité, pour de nombreux visiteurs, de poser leurs questions sur cet aliment diabolisé.

Lorsqu’on sait que la nutrition n’occupe que quelques heures dans le cursus des médecins (voir le rapport d’Ambroise Martin sur le sujet), n’est-il pas légitime pour l’industrie de venir informer sur ses produits ?

Dans tous les cas, l’article du Parisien a eu le mérite de rappeler le taux de matières grasses des frites et d’expliquer pourquoi McCain était présent. Mission accomplie…

 

2 Commentaires

  1. Brice dit :
    Le 21 novembre 2010 - 16:57

    En matière de Marketing, « les couleurs de l’emballage, l’image que les produits nous renvoient » ne sont que les partie émergées de l’Iceberg car il y a aussi toute la partie étude de marché et compréhension des attentes des consommateurs…

    J’ai visité les pays d’Europe de l’Est avant la chute du mur de Berlin, et donc vu de mes yeux une société sans marketing. C’est très impressionnant : des linéaires immenses de produits tous identiques, qu’il s’agisse de la forme des pâtes alimentaires ou des dessins sur les tee-shirts. Une taille sur deux disponible dans les magasins de chaussure pour économiser le cuir (décision du bureau de la planification de Sofia qui m’a « fait mal aux pieds » en Bulgarie quand j’ai dû remplacer mes chaussures de marche…)

    Les visiteurs médicaux, par ailleurs, ne font pas de marketing mais du commerce. Par contre, il serait intéressant de discuter des « phases IV B » des tests cliniques, très rémunératrices pour les médecins sous couvert d’obtenir des informations d’usage ou de tolérance déjà récoltées en IV A. Du marketing très proche de l’achat de prescription, pourtant illégal, et sur lequel l’ordre des médecins ferme les yeux dans un consensus tacite avec le gouvernement.

    J’imagine donc à quel point l’exercice doit être délicat pour toi, face à des responsables marketing qui garantissent le respect du consommateur la moitié du temps et contournent les lois sur la déontologie médicale ou scientifique de base l’autre moitié… A moins que ce ne soit la même chose dans la communication ? 😉

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    • Ghislaine dit :
      Le 21 novembre 2010 - 20:19

      Mes clients me demandent parfois de pousser des messages un peu « optimistes » ou de relayer, et c’est plus souvent le cas, les études qui les arrangent sans mentionner celles qui les dérangent. C’est aussi mon rôle de les avertir des risques qu’ils prennent.
      La plupart du temps, les outils que je développe sont destinés à être lus par des médecins, des diététiciens, des journalistes spécialisés. Des personnes qui ne sont donc pas dupes des ficelles, et qui ont un esprit critique.
      Je suis donc à l’aise avec ce que je produit pour eux, et c’est déjà pas mal !
      Les scandales pharmaceutiques qui éclatent depuis 20 ans sur les études biaisées, les résultats falsifiés, sont le fait de criminels qu’il faut condamner. Et je suis choqué autant que toi de ces pratiques, parce qu’au final personne n’y gagne…

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