Le secret des femmes
Le plaisir sexuel est majeur dans nos vies, pourtant il ne fait l’objet d’aucun enseignement. Pas d’école du sexe, pas de cours à l’école, un tabou dans beaucoup de familles… C’est pourquoi j’ai été intéressée par le livre d’Élisa Brune et Yves Ferroul, Le Secret des Femmes (Ed. Odile Jacob).
La science du plaisir
Le rôle du plaisir féminin dans la fonction reproductive est l’objet de débat. Dans tous les cas, les femmes peuvent tout à fait tomber enceintes sans avoir d’orgasme, et de ce fait ce sujet est beaucoup moins documenté que celui du plaisir dans la sexualité masculine qui lui, conditionne la reproduction.
Le premier intérêt de ce livre est donc de faire une rétrospective sur les recherches scientifiques sur l’orgasme, l’évolution de sa place dans la sexualité et donne les résultats d’une grande enquête menée sur internet par Elisa Brune (à laquelle il est d’ailleurs toujours possible de répondre).
Les auteurs nous interpellent aussi sur la difficulté des équipes de recherche à trouver des financements, à être reconnu comme « sérieux » lorsqu’on s’intéresse à ce sujet pas encore (assez) académique. Pourtant, n’est-ce pas un sujet central dans nos vies de femme, dans le couple, et pour notre santé au sens de l’OMS « état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité », définition qui date de 1946 !
L’histoire du plaisir
La place du plaisir dans les cultures judéo-chrétiennes actuelles n’est pas du tout représentative de ce qu’elle a pu être, ou de ce que d’autres cultures actuelles peuvent proposer.
J’ai appris que le plaisir féminin est une valeur centrale de la culture juive, le plaisir sexuel étant une manifestation du divin et la satisfaction de la femme un instrument de la paix dans le monde. L’absence de satisfaction sexuelle de la femme est d’ailleurs un motif de divorce… A bon entendeur salut 😉
Le cunnilingus était considéré comme bénéfique pour l’homme dans la Chine ancienne (car il procurerait un supplément d’essence Yin). Pour le tantrisme, la quête de l’orgasme s’inscrit dans une quête spirituelle – le Kamasutra est d’ailleurs une version populaire et simplifiée de pratiques d’inspirations tantriques.
Le(s) orgasme(s)
Chez les hommes, la montée du plaisir et son aboutissement sont relativement simple à comprendre : plusieurs raisons à cela, l’organe masculin est plus facile à identifier, la masturbation est mieux acceptée chez l’homme, l’usage de la pornographie est plus répandue, et bien sûr, le lien indissociable avec la reproduction ont fait de l’étude des dysfonctionnement un champ important de la recherche.
L’explication des deux formes d’orgasme, clitoridien ou vaginal est un élément important du livre. Raccourci simpliste qui a entraîné de nombreuses femmes à se considérer comme frigides ou anormales…
Et bien non ! Il n’y a bien qu’une seule forme d’orgasme, mais dont le déclenchement peut venir d’endroits différents (stimulation directe sur le clitoris, indirecte via l’intérieur du vagin) et via des stimulations d’intensités différentes : comme pour tout le reste, le goût et les couleurs, nous avons toutes nos spécificités… La découverte de nos corps est majeure pour apprendre le plaisir.
Quand les femmes parlent de leur plaisir
La fin du livre traite plus particulièrement des résultats de l’enquête. C’est une mine d’anecdotes, de chiffres et d’analyses sur la sexualité féminine. Allez, je ne résiste pas à vous mettre les plus frappants (sachant que l’échantillon étudié n’est pas représentatif de la population):
- 14% des répondantes ont découvert l’orgasme avant 11 ans
- 25% des répondantes ont rarement ou jamais des orgasmes
- Pour 49% des femmes, avoir un orgasme est important ou très important
- Pour atteindre l’orgasme, 71% des répondantes préfèrent la stimulation manuelle, 59% les caresses buccales, le sexe du partenaire pour 30%, le vibromasseur pour 17%
Où trouver l’information?
Tout l’intérêt de ce type de livre, c’est d’apprendre des « trucs » pour mieux comprendre et atteindre le plaisir. S’il n’offre pas de réponse toute faite (il n’y en a pas), il cite de nombreux verbatims qui peuvent donner des idées, débloquer des idées reçues, et donner un sujet de conversation avec son compagnon… Ce qui peut amener à des travaux pratiques, aussi.
Ce livre, j’aurais bien aimé le lire à l’adolescence. La définition de la normalité n’est pas facile à cet âge, les discussions entre copines dont on ne sait jamais quelle est la part de vérité, les expériences plus ou moins heureuses avec des garçons qui ne maîtrisent pas tout non plus, le ressenti du « bien » et du « sale »… J’ai eu la chance d’écouter l’émission Lovin’fun sur Fun Radio, j’avais 15 ans à l’époque.
Aujourd’hui, comment s’instruit-on sur la sexualité et le plaisir? J’adorerais que vous mettiez vos « sources » en commentaire 😀
michele dit :
Le 19 avril 2011 - 11:06
re découvrez le Rapport Shere Hite, qui a fait l’effet d’une bombe sur les filles qui avaient 30 ans à sa parution. C’est le premier ouvrage qui a osé parler de plaisir féminin!!!!! Merci 1968, d’une certaine façon…Découverte du « point G »!!!!
Ghislaine dit :
Le 19 avril 2011 - 16:05
Merci pour l’info, effectivement il a l’air particulièrement complet. Je suis curieuse de voir l’état de la science il y a 30 ans, et de comparer avec celui-ci !
Anne lise dit :
Le 24 avril 2011 - 10:00
ce qui est intéressant et peu étudié à ce jour c’est la prédominance des émotions et de l’aspect psychologique du plaisir chez la femme : je connais une femme qui est capable de jouir en rêve plusieurs fois par nuit… mais jamais dans les bras de son amoureux. J’en connais une autre qui est capable d’atteindre mécaniquement l’orgasme en moins de 5 minutes systématiquement, une autre qui ne peut jouir que dans les bras d’un partenaire mais jamais seule, une autre qui ne peut jouir qu’aidée par des fantasmes très étrangers à ce qu’elle vit sur le moment, etc. tous ces exemples (de l’empirisme de proximité, certes) indiquent bien combien plaisir et cerveau sont liés chez la femme: le plaisir féminin ne pourra jamais être réduit à une histoire de mécanique, et heureusement !
Ghislaine dit :
Le 24 avril 2011 - 17:28
C’est difficile de distinguer les deux… D’ailleurs, un bon amant est quelqu’un qui maîtrise la technique mais qui surtout fait fantasmer. « Le Livre des Fantasmes » qui traite de ce sujet, est sur ma table de nuit 🙂 !
https://www.amazon.fr/livre-fantasmes-Brett-Kahr/dp/2246698316/ref=sr_1_11?s=books&ie=UTF8&qid=1303658836&sr=1-11
Brice dit :
Le 2 mai 2011 - 23:26
Je pense que c’est la même chose pour les hommes. Le principal organe sexuel des êtres humains reste le cerveau, qui est à la fois le centre des pensées et des émotions.
Quant aux fantasmes, ils sont comme les grenouilles : on peut les disséquer pour les analyser, mais ils survivent rarement à l’opération… 😉